L’été, le soleil, les vacances, les soirées qui se prolongent. Rien à l’horizon pour troubler cette douceur de vivre. Vraiment rien ? Vous l’entendez, bzzzzzzzz… Nous sommes bien tous d’accord pour dire que les moustiques sont de plus en plus nombreux à venir « partager » nos journées et nuits estivales…voire printanières et automnales ? Ils ont l’air tellement bien, au chaud chez nous…surtout le squatteur rayé, Mister Tigre… Ne serait-ce pas la faute au changement climatique tout cela ? Voilà encore un sujet piquant à éclaircir…
L’invasion
Avant toute chose, le nombre de moustiques a-t-il réellement augmenté ou sommes-nous les simples victimes d’un biais cognitif lié au fait que ce petit être de quelques millimètres constitue très certainement l’animal qui, comme l’exprime avec pertinence Florence Foresti, « a le ratio taille-emmerdements le plus élevé ».
Non, ce n’est pas une vue de l’esprit : des études menées par l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) montrent que les populations de moustiques en Europe ont augmenté de manière significative au cours des dernières décennies. Au-delà d’une croissance numérique, c’est plus particulièrement la prolifération dans nos latitudes de nouvelles espèces auparavant cantonnées aux régions tropicales et équatoriales qui est sujet à inquiétude. Selon les données de Santé Publique France, la présence de l’Aedes albopictus – nom de scène du moustique tigre- est passée de 2 départements en 2004 à 65 en 2020. Rapide la bête.
Le réchauffement climatique : coupable
Le réchauffement climatique constitue clairement un facteur clé de cette expansion territoriale. Il faut savoir que les moustiques adorent la chaleur et l’humidité. Avec l’augmentation des températures, les habitats propices à ces insectes se multiplient, offrant les conditions idéales pour leur survie et leur reproduction avec des cycles plus rapides et sur de plus longues périodes. Les changements dans les précipitations jouent également un rôle crucial. Les moustiques ont besoin d’eau stagnante pour se reproduire. Des pluies plus fréquentes et plus intenses, ainsi que des périodes de sécheresse suivies de fortes précipitations, créent des environnements idéaux à leur développement.
Quel impact ?
Quelle sont les conséquences de cette prolifération, au-delà des boutons qui grattent et des nuits blanches à chasser l’intru ?
L’expansion régionale des moustiques suscite des préoccupations sanitaires grandissantes puisque certaines espèces sont responsables de la transmission de maladies particulièrement dangereuses, à l’image du moustique tigre vecteur notamment des virus de la dengue, du chikungunya et de Zika, ou encore l’anophèle, principal vecteur du paludisme. Une étude de l’Université d’Oxford révèle que le nombre de cas de paludisme en Afrique pourrait augmenter de 20 % d’ici 2050 en raison du réchauffement climatique et de la prolifération de cette espèce. Ces changements imposent aux systèmes de santé de s’adapter rapidement pour faire face à l’émergence de ces maladies dans de nouvelle régions.
Une relation « Amour-Haine »
Que faire ? À part lutter contre le dérèglement climatique, cela va sans dire. Les pulvériser ? Surtout pas ! Les moustiques sont essentiels à notre biodiversité dans la mesure où ils nourrissent de très nombreuses espèces et contribuent, aux côtés de abeilles et papillons, à la pollinisation.
L’enjeu est donc de les tenir à distance, avec bon sens et en respectant l’ensemble du monde vivant. Répulsifs naturels (huiles essentielles de citronnelle, de lavande, etc.) moustiquaires, plantes repoussantes (basilic, menthe, romarin, etc.), élimination des eaux stagnantes, pièges à moustiques… L’accent doit être est mis sur des approches respectueuses de nos écosystèmes.
La recherche s’oriente vers des méthodes de contrôle biologique, à l’image de cette équipe de scientifiques qui, en 2018, a lâché par drone des dizaines de milliers de moustiques tigres stériles dans le ciel du Brésil afin de féconder un maximum de femelles (responsables de la transmission des maladies) et de rendre leurs œufs non-viables. Innover pour rétablir les équilibres d’antan…tout un concept.
Peut-être que c’est finalement en étant impacté dans son confort quotidien que l’Homme finira-il par vraiment ouvrir les yeux sur l’urgence d’agir. À nous de prendre chacun de nos boutons de moustique comme une piqure de rappel de la fragilité de notre monde …
1 J. Bouyer et al.Field performance of sterile male mosquitoes released from an uncrewed aerial vehicle.Sci. Robot.5,eaba6251(2020).DOI:10.1126/scirobotics.aba6251